Ce frère-là

Paru en mars 2010 aux Editions Joëlle Losfeld

Une écriture magnifique. (L’Avenir)

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Un portrait sonore

 

Une image

Argument

Septembre 2005 : la narratrice se prépare à assister à l’enterrement de son frère, un guitariste classique dont elle était très proche. Elle se remémore alors les scènes familiales, cruelles ou tendres, qui ont été les moments décisifs de leurs vies. Les terreurs de l’enfance, la dure réalité de l’amour et de l’amitié sont autant de souvenirs intenses qui dessinent le relief imparfait, unique et terriblement précieux d’une existence.

Extrait

Avec les oranges, tout s’arrange : il le clamait à intervalles réguliers de sa voix imparfaite. Cette phrase et d’autres peut-être moins abouties au sujet des abricots et des raisins, alors que le soleil frappait nos têtes pensives en contrebas des marches de l’église et obligeait les plus âgés ou les plus sensibles à se tenir en retrait, dans l’ombre odorante du mur. Tandis que d’autres au contraire s’avançaient avec curiosité vers la lumière, s’approchaient comme malgré eux de l’étal du vendeur qui continuait à s’époumoner sans égard pour notre peine. Notre peine immense à tous quoiqu’on ait pu en dire les jours qui ont précédé et les jours qui ont suivi, et je regardais ces membres de ma famille que je n’avais jamais vus hormis dans des circonstances comparables.

Ce frère-là : dans la presse

L’Abeille, 29 octobre 2010

Ce frère-là est signé Anne-Constance Vigier dont on apprécie toujours la  » petite musique  » efficace. La narratrice a perdu son cher guitariste de frère. Elle aussi se penche sur son passé parfois trouble, de 1972 à 2005 : les parents, les vacances, l’enfance, l’amitié, l’intimité, l’amour, la mort et… son frère. La vie est un long fleuve aux mystérieux méandres. Le lecteur est sous le charme.

Jean Leclerc

 

L’Avenir, 10 juillet 2010

Coup de coeur

Ce passé-là

Un enterrement un jour de marché, celui du frère de la narratrice qui permet à la famille de se retrouver. Sans beaucoup de chaleur, ni de douceur, déplore la jeune femme qui décrit avec finesse les sentiments qui l’habitent et revit ces moments si précieux connus avec le défunt. Une écriture magnifique.

M.P.

 

La Vie, 29 juillet 2010

Comment écrire un roman intimiste sans verser dans un égotisme laborieux et insupportable ? Anne-Constance Vigier propose une solution efficace : une grande économie de moyens, par moments même une certaine sécheresse, et une sorte de flou, d’indécision dans la succession des scènes, dans les sentiments exprimés, une porosité entre le rêve et la réalité, entre le présent et le passé, qui préservent de tout pathos, de toute insistance. La narratrice a perdu son frère, tué en trois mois par une maladie dont on ne sait rien de plus. Dans sa détresse, elle se promène de souvenir en souvenir. Leur enfance. Leur mère. La femme de ce frère mort, et les enfants qu’ils n’ont pas eus. L’annonce du drame. Au dos du livre, l’éditeur parle « d’humour et de légèreté « . Ce frère-là est aussi un roman sans pitié.

Marianne Dubertret

 

Page des libraires, mars 2010

C’est jour de marché et au milieu des passants qui s’affairent se retrouvent les membres de la famille de la narratrice, pour l’enterrement de son frère. Le contraste choquant des étals, chargé d’odeurs de nourriture, et cette réunion funèbre amène Claire à une plongée dans ses souvenirs, ceux heureux qu’elle garde de ce frère dont elle a été si proche. Dans un désordre identique à celui des pensées qui s’enchaînent dans un esprit songeur, elle évoque des moments de leur enfance et de leur jeunesse. De ces instants a priori banals, familiers à chacun, surgit une violence sourde, celle des vieux conflits familiaux englués dans la mélasse des non-dits. Chaque chapitre nous entraîne sur le ton de la confidence dans un souvenir précis, daté et relié à un lieu, où Claire s’adresse à ce frère qu’elle aimait tant, jusqu’au jour ensoleillé où il lui confie qu’il est menacé par la maladie. Un récit pudique, souvent troublant, qui évoque les renoncements amoureux et les hasards de nos vies.

Pierra Dupuy

Librairie Lucioles, Vienne

 

La Marseillaise, 11 avril 2010

Secrets de famille

De quel frère est-il vraiment question dans le roman d’Anne-Constance Vigier ? Celui qui vient de mourir, d’une maladie qui l’a emporté en trois mois, Jean-Marc de son prénom ? Ou d’un autre, Jean, avec lequel il jouait de la guitare quand ils étaient jeunes et encore proches ? Sans compter Etienne, l’aîné, et Michel, l’ours tendre qui fait régulièrement des séjours en hôpital psy ? Et le peintre Ostende qui fait juste une apparition dans ce livre, tel un fantôme, ou une vigie.

 

Claire, la narratrice, est la seule fille de la tribu, et les femmes dans ce livre, même lorsqu’elles prennent la parole, sont à contre-jour, tant les hommes occupent le devant de la scène, depuis le couple des parents, un père homme de théâtre qu’Antoine Vitez honore à son enterrement, et une mère critique à l’égard de sa fille, amoureuse inéluctablement du genre masculin, quels que soient ses défauts et ses mensonges.

 

Anne-Constance Vigier ne remet pas en cause cette inégalité-là, elle en nourrit son livre, entre admiration et déception, que Claire conjugue tour à tour, dépositaire de la biographie familiale, sans se rendre compte que c’est un poids trop lourd à porter, trop injuste.

 

Alors « ce frère-là  » marié, père de famille, trois fils évidemment, ce Jean auquel tout le monde veut faire plaisir, que représenta-t-il pour la jeune Claire ? L’amant idéal, l’homme de sa vie, la réussite professionnelle et sentimentale ? On ne le saura pas, car l’amour éperdu que Claire voue à son frère, elle n’est pas la seule à l’éprouver, et l’autre Jean au prénom double (Jean-Marc), le mort, est en quelque sorte le jumeau de Claire. Un jumeau dévoré par la comparaison avec l’autre Jean. Le premier séduit, convainc, construit, le deuxième échoue, même dans son mariage, même dans sa paternité qui lui est interdite.

 

Et pourtant l’artiste, le créateur, c’est lui, le tendre, le généreux, c’est lui. Mais personne ne l’a connu ni reconnu, le livre est un hommage posthume, l’aveu tardif d’un amour. De ce déséquilibre, témoigne la construction du livre, funambule sur un fil parfaitement tendu, quinze chapitres pour quinze « scènes », entre 2005 (l’enterrement) et 1972 (un déjeuner de famille du vivant du père). Quinze apparitions, dans le désordre, comme on sortirait les photographies d’une malle dans un grenier. Des flashes pour tenter d’entrevoir la vérité qui reste obscure, mais les secrets de famille nourrissent les fictions, et les fictions savent beaucoup de choses.

 

Claudine Galea

Héritage : dans la presse écrite

Libération, 1er mars 2012

Tranquille, audacieuse, Anne-Constance Vigier, née en 1970, bâtit son oeuvre.

L’ « héritage » du titre est celui qui échoit à Gabriel, cadre dans une grande entreprise, compagnon depuis quinze ans du solide Vincent. Celui-ci pense que la douleur des souvenirs humiliants ira en s’atténuant. « Et s’il s’abstenait alors de le contredire, c’était avant tout de peur d’entendre sa propre voix perdre toute assurance et s’approcher du type de lamentation que Vincent lui avait, à plusieurs reprises, dit ne pas se sentir en mesure d’endurer très longtemps. » Enfant martyrisé par sa mère, Gabriel a une secrétaire martyrisée par son fils. Sensible à cette situation, il finit par s’en mêler malgré lui. Dénouement en 2047.

Claire Devarrieux

 

Marie-France, mars 2012

Un couple de garçons implose après un tragique événement digne de Détective. On est bousculé à chaque page par une forte émotion et par une écriture d’une brutale poésie.

Bernard Babkine

 

 

Livres Hebdo, 18 novembre 2011

Hontes
Portrait d’un homme, enfant blessé devenu meurtrier par accident.
Un beau et sombre cinquième roman d’Anne-Constance Vigier.
La famille est son terrain. Anne-Constance Vigier aime camper dans ce champ de bataille partagé, observer l’oppression domestique. Elle excelle dans la description des frustrations, des contrariétés, des peurs rentrées qui marinent à l’intérieur. Héritage est une histoire fatale et sombre, éclairée pourtant par une lumière douce d’arrière-saison grâce à son prologue et à son épilogue, situé en 2047. Entre ces deux bornes du récit, un accident aux conséquences dramatiques, un séjour en prison, des images douloureuses d’enfance, une histoire d’amour, aussi.

Cadre quadragénaire, Gabriel est un homme mal dans sa vie, miné en silence par l’ennui au travail, la jalousie, une honte polymorphe et diffuse. Il vit depuis quinze ans avec Vincent, qui paraît plus insouciant et lui reproche de ressasser d’anciennes humiliations, le « souvenir torturant » de sa mère brutale. Comme dans Ce frère-là (2010) et La réconciliation (2008), où une fille devait cohabiter quelques jours avec son père, tyran déchu, c’est l’abus de pouvoir, l’intolérance ordinaire qui marquent les relations entre mère et fils. la, Gabriel revoit la violence qu’il a subie, enfant, dans le miroir inversé du conflit terrible qui oppose une secrétaire de l’entreprise à son fils, adolescent plein de révolte haineuse, par qui surviendra le drame. Au cours d’une dispute, Gabriel le tue accidentellement, dissimule son corps, avant de se dénoncer deux jours plus tard alors qu’il est parti passer Noël chez les parents de Vincent en compagnie des cinq soeurs de ce dernier et leurs enfants. Cette réunion familiale donne d’ailleurs lieu à des scènes particulièrement réussies dans lesquelles la romancière regarde avec lucidité et sympathie ses personnages mus par leur psychologie propre et pris dans le fonctionnement du groupe. Comme lorsqu’elle décrit si justement ce qui se joue à la fois d’intime et de social dans un ascenseur d’entreprise où se mêlent l’odeur de la sueur et le parfum des déodorants.

Véronique Rossignol