Héritage : dans la presse écrite

Libération, 1er mars 2012

Tranquille, audacieuse, Anne-Constance Vigier, née en 1970, bâtit son oeuvre.

L’ « héritage » du titre est celui qui échoit à Gabriel, cadre dans une grande entreprise, compagnon depuis quinze ans du solide Vincent. Celui-ci pense que la douleur des souvenirs humiliants ira en s’atténuant. « Et s’il s’abstenait alors de le contredire, c’était avant tout de peur d’entendre sa propre voix perdre toute assurance et s’approcher du type de lamentation que Vincent lui avait, à plusieurs reprises, dit ne pas se sentir en mesure d’endurer très longtemps. » Enfant martyrisé par sa mère, Gabriel a une secrétaire martyrisée par son fils. Sensible à cette situation, il finit par s’en mêler malgré lui. Dénouement en 2047.

Claire Devarrieux

 

Marie-France, mars 2012

Un couple de garçons implose après un tragique événement digne de Détective. On est bousculé à chaque page par une forte émotion et par une écriture d’une brutale poésie.

Bernard Babkine

 

 

Livres Hebdo, 18 novembre 2011

Hontes
Portrait d’un homme, enfant blessé devenu meurtrier par accident.
Un beau et sombre cinquième roman d’Anne-Constance Vigier.
La famille est son terrain. Anne-Constance Vigier aime camper dans ce champ de bataille partagé, observer l’oppression domestique. Elle excelle dans la description des frustrations, des contrariétés, des peurs rentrées qui marinent à l’intérieur. Héritage est une histoire fatale et sombre, éclairée pourtant par une lumière douce d’arrière-saison grâce à son prologue et à son épilogue, situé en 2047. Entre ces deux bornes du récit, un accident aux conséquences dramatiques, un séjour en prison, des images douloureuses d’enfance, une histoire d’amour, aussi.

Cadre quadragénaire, Gabriel est un homme mal dans sa vie, miné en silence par l’ennui au travail, la jalousie, une honte polymorphe et diffuse. Il vit depuis quinze ans avec Vincent, qui paraît plus insouciant et lui reproche de ressasser d’anciennes humiliations, le « souvenir torturant » de sa mère brutale. Comme dans Ce frère-là (2010) et La réconciliation (2008), où une fille devait cohabiter quelques jours avec son père, tyran déchu, c’est l’abus de pouvoir, l’intolérance ordinaire qui marquent les relations entre mère et fils. la, Gabriel revoit la violence qu’il a subie, enfant, dans le miroir inversé du conflit terrible qui oppose une secrétaire de l’entreprise à son fils, adolescent plein de révolte haineuse, par qui surviendra le drame. Au cours d’une dispute, Gabriel le tue accidentellement, dissimule son corps, avant de se dénoncer deux jours plus tard alors qu’il est parti passer Noël chez les parents de Vincent en compagnie des cinq soeurs de ce dernier et leurs enfants. Cette réunion familiale donne d’ailleurs lieu à des scènes particulièrement réussies dans lesquelles la romancière regarde avec lucidité et sympathie ses personnages mus par leur psychologie propre et pris dans le fonctionnement du groupe. Comme lorsqu’elle décrit si justement ce qui se joue à la fois d’intime et de social dans un ascenseur d’entreprise où se mêlent l’odeur de la sueur et le parfum des déodorants.

Véronique Rossignol

 

Héritage

Paru le 5 janvier 2012 aux Editions Joëlle Losfeld

Un cinquième roman, beau et sombre, d’Anne-Constance Vigier (Véronique Rossignol, Livres Hebdo du 18 novembre 2011)

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Argument

Une grande entreprise. Son intolérance latente, son climat sournois, sa superposition de destins solitaires. Pourquoi Gabriel, un cadre homosexuel qui doute de son couple et ressasse de cruels souvenirs d’enfance, s’est-il à ce point lié d’amitié avec Muriel, une secrétaire aux prises avec un fils violent? Pourquoi s’efforcera-t-il désespérément de lui venir en aide, finissant par provoquer un drame qui modifiera profondément le cours de sa propre existence?

Extrait

Il s’approcha de la baie vitrée pour regarder la lumière décliner. Sa jambe lui faisait un peu plus mal que les autres jours. Le soleil était sur le point de disparaître derrière le rideau d’arbres au-delà du champ et déposait de l’or sur toutes choses.

Il attendit longtemps avant de déceler le mouvement des lièvres parmi les tiges coupées des blés ; ils auraient vite fait de traverser le champ de leurs bonds pleins de joie. A moins, pensa Gabriel, qu’il ne s’agisse d’une hâte à se dégager de ces herbes qui griffaient leurs corps. L’un d’eux se dressa brièvement, tête tournée vers le sous-bois, puis ils s’enfuirent par le chemin creux.

De cette fenêtre, on ne voyait aucune des autres maisons du hameau, rien que l’étendue de la campagne doucement vallonnée. Il posa ses mains sur la vitre froide et examina, comme chaque fois avec étonnement, les taches de son qui marquaient le dessus de ses mains. Car il n’avait certainement pas vu toutes ces années passer.