Août 2001, Editions Gallimard, Collection Haute Enfance
Anne-Constance Vigier réussit un livre dense et prenant, une manière de voyage dans la tourmente des êtres.
(Alexandre Fillon, Madame Figaro)
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Argument
La narratrice est une étudiante empêtrée dans une relation sentimentale sans grande valeur, persécutée par un voisin sri-lankais transi, et rongée par ses rencontres avec une mère dépressive. Elle peine à terminer sa thèse sur l’oeuvre du peintre Ostende, un misanthrope retiré du monde, dans la campagne normande, depuis un événement tragique qui l’a laissé sans force. Elle noue avec cet homme détruit une relation tendue et frustrante, jusqu’à ce qu’il meure brutalement. Elle va alors s’appliquer à découvrir tout ce qui peut l’être au sujet de cette vie laminée.
Extrait
Vous prendrez bien un chocolat chaud, sa bouche semblait bouger avec difficulté, à cause du froid, pensai-je pour me rassurer. Avec plaisir. La table de la cuisine était énorme, on aurait dit un animal trop fort pour tout, injustement condamné à l’immobilité. Beaucoup de couteaux avaient entamé sa surface noire et dure, et je regardais malgré moi les entailles, mes doigts les effleuraient sans cesse. Vous n’avez pas froid, demanda Ostende, et cela me fit frissonner, mais un instant seulement. Des assiettes ébréchées étaient accrochées par dizaines au mur d’en face, elles se touchaient presque et j’évitais de les regarder, il est trop grand pour cette pièce aussi, pensai-je en le voyant bouger. Les bols fumaient sur la table, ils étaient de la même couleur, bleus peut-être, la peau du lait se contractait autour des cuillères. Ça ne vous dégoûte pas au moins, il se pencha sur la table jusqu’à ce que nos yeux soient à la même hauteur. La peau. Non, répondis-je en soulevant légèrement la cuillère. Son manche était enveloppé dans la substance gluante d’où pendaient des fils à peine teintés de chocolat, et à partir de ce moment je ne dis plus rien.